Le projet MackNext à Plobsheim, Eurométropole de Strasbourg et urgence climatique: déjà la fin d’une promesse ?

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Les avertissements et les signes de dégradation climatique accélérés, de chute de la biodiversité, d’événements saisonniers extrêmes, sont une réalité concrète aujourd’hui. L’artificialisation de surfaces agricoles et naturelles accaparées par un modèle économique sans considération pour le vivant et la nature est exponentielle.

A leur arrivée en 2020 aux commandes de la municipalité et de l’agglomération, les élus ‘’verts’’ ont déclaré Strasbourg et l’Eurométropole (EMS) en Etat d’Urgence Climatique . Jeanne Barseghian, en devenant la première maire écologiste de Strasbourg, a annoncé vouloir faire de sa ville « la capitale européenne de la transition écologique, sociale et démocratique ». Pia Imbs présidente de l’Eurométropole faisait de même dans la foulée.

Fin mars l’EMS ouvrait une enquête publique portant sur la mise en compatibilité du Schéma de Cohérence Territoriale de la Région de Strasbourg (SCOTERS) et du Plan Local d’Urbanisme (PLU) dans la zone humide du Ried de Plobsheim-Eschau. Son objet étant de permettre d’étudier la réalisation du projet MackNext porté par le groupe familial Mack International, propriétaire et exploitant d’Europa-Park, un des parcs de loisirs et d’attraction européen des plus prisés, et voisin de la capitale européenne.

Cette procédure réglementaire de mise en compatibilité du SCOTERS avec le PLU doit évaluer l’impact de la modification de statut d’une zone non constructible de 3 hectares « actuellement identifié comme une zone écologique et  paysagère sensible» ; et ainsivalider « une exception à l’interdiction de création de zone d’activité en lien avec l’innovation et les hautes technologies dans des zones identifiés comme espaces et sites naturels à préserver et à protéger ».

Le projet Macknext est consacré au divertissement immersif, tant en terme de formation que de technologies dans le domaine de la réalité virtuelle et de l’animation 3D. Le promoteur souhaite aussi installer son siège social français à proximité d’Europa-Park. Bureaux, studios, et résidences ‘’créatives’’ pourraient prendre forme sur 6000 m2 avec une emprise totale du projet sur 2,9 ha des terres agricoles cultivées (en partie en culture ‘’bio’’), et de terres naturelles classées. L’implantation de MackNext à Plobsheim, de par son emplacement envisagé, détruirait à la fois une zone de biodiversité protégée et des cultures nourricières locales, dont un hectare converti en agriculture biologique, imposant de fait à quatre agriculteurs d’abandonner leurs terres. Elle s’opposerait ainsi à la modération de la consommation foncière, et à la préservation des couronnes agricoles autour des zones urbaines. Ce sont pourtant des recommandations  récurrentes que nos élus promettent de respecter et de promouvoir avec force accents écologistes dans la voix.    

                                                         

Ce projet nous ne l’acceptons pas.

Qu’avons-nous en effet de plus important à faire pour le futur que de conserver le peu d’habitats encore laissés à la faune sauvage avec qui nous partageons une communauté de destin ? Au hasard, les chauve-souris, dont six espèces protégées sont concernées ici. Qu’avons-nous compris de la crise en cours et de ce qui nous attend encore ?

Devons nous continuer à tolérer les nuisances, dégradations du milieu naturel parfaitement mises en évidence ici par l’étude de la Mission Régionale d’Autorité environnementale (MRAe) réalisée dans le cadre de l’enquête publique?

Sont en particulier révélés :

  • la dégradation d’un corridor écologique inscrit au Schéma Régionale de Cohérence Ecologique, limitant ainsi le déplacement des espèces animales sur un site inclus dans l’ancien lit majeur du Rhin Supérieur qui abrite des espèces très caractéristiques de cette zone,
  • le danger porté sur de nombreuses espèces protégées demeurant sur le site, dont au moins 6 espèces de chauves souris et 18 espèces d’oiseaux. L’étude des populations d’oiseaux en particulier, selon leur statut d’espèces protégées et/ou de vulnérabilité est insuffisante selon la MRAe,
  • un danger pour des zones humides existantes faiblement identifiées au nord du site du fait de sondages pédologiques insuffisants, empêchant ainsi la bonne application du principe d’Evitement impératif pour les équilibres naturels,

Quel projet de ‘’développement’’ serait supérieur à la recherche de souveraineté alimentaire de notre territoire, dont l’année écoulée vient de montrer toute la fragilité ? Quel intérêt public nécessiterait de mettre des bâtons dans les roues de la transition agricole si difficile à mettre en œuvre, en détruisant le travail de conversion de terres biologiques qui servent à nourrir les habitants en farine, céréales et pains ?

Quel enjeu mercantile justifie que soient défigurés les paysages ? Les habitants de Plobsheim apprécient leur cadre de vie et sont nombreux à s’y aérer, rejoints par de nombreux citadins de l’Eurométropole le week-end.  Les zones humides sont aussi des puits de fraîcheur, et le réchauffement climatique impose de préserver ces sources disponibles et gratuites de rafraîchissement, et non de construire parkings et immeubles dans les champs et les fourrés.

Ici s’illustre donc une nouvelle attaque portée aux espaces ouverts et naturels du fait de constructions favorisées par un principe de croissance indéfinie, par la fuite en avant du profit et par des prises d’intérêts partisans au dépend des biens communs. Sans oublier l’incurie des élus et leur surdité aux cris de colère des manifestants qui défilent depuis des années de plus en plus nombreux pour réclamer un changement de paradigme dans la conduite des affaires politiques.

Comment imaginer encore que faire « une exception à l’interdiction de création de zone d’activité (…) dans des zones identifiés comme espaces et sites naturels à préserver et à protéger » ne soit pas un précédent susceptible de permettre d’autres mises en compatibilité de PLU avec le SCOTERS ? Une fois l’exception accordée, comment les citoyens que nous sommes pourraient-ils avoir encore confiance dans ces textes rétractables ? Comment croire qu’il n’y aura pas d’effet d’entraînement, d’agrandissement de la zone, puisque toutes ces garanties se lèvent si facilement ? L’idée qu’il s’agit d’une « petite » surface naturelle, et d’un « petit » pourcentage de cultures, constitue un argument particulièrement indigne. La puissance publique protégerait-elle selon des principes à géométrie variable?

Quel projet entrepreneurial serait supérieur à des enjeux tels que la préservation de la biodiversité, dont les travaux des scientifiques, en particulier ceux récents de l’IEPS montrent qu’elle a un lien direct avec notre santé et la pandémie que nous subissons: « Des pandémies futures vont apparaître plus souvent, se propageront plus rapidement, causeront plus de dommages à l’économie mondiale et tueront plus de personnes que la COVID-19, à moins que l’approche globale de la lutte contre les maladies infectieuses ne soit modifiée ». On pourra aussi lire à ce sujet La fabrique des pandémies de  Marie Monique Robin.

Mais le plus outrageant est sans doute là :

Dans la note de présentation jointe au dossier ainsi que dans la presse, en marge

d’arguments de prestige et de rayonnement, apparaît clairement l’intérêt privé du porteur de projet qui refuse un emplacement proche et disponible, dédié aux activités économiques de pointe (Parc d’innovation d’Illkirch).

Dans un narratif plein d’assurance teinté du dogme des 30 glorieuses, notre riche entrepreneur assuré du bien fondé de ses désirs soutient que «le site doit offrir un environnement naturel et apaisé pour favoriser la créativité ». Parce qu’« il est important que les créatifs puissent se retrouver dans une «bulle» dans des conditions de travail optimales afin de mener à bien leurs projets ». Parce que « le site doit permettre aux équipes de tournage de travailler en discrétion et confidentialité durant les phases de tournage », parce que « le Parc d’Innovation de Strasbourg (…) ne proposait pas un cadre naturel suffisamment isolé ». Les rédacteurs du projet n’omettent pas de rajouter dans leur présentation : « le site de Plobsheim en proximité immédiate avec le Golf du Kempferhof, qui jouit d’une réputation européenne, répond à l’ensemble des critères souhaités par les dirigeants » … ou encore … « Ici à Plobsheim, cela sera un centre créatif pour tous. Avec le golf, c’est plus calme, plus inspirant et créatif ».

L’étude de la MRAe insiste pourtant : « Le parc d’innovation d’Illkirch dispose de 50 ha déjà anthropisé, ce qui permet d’éviter une nouvelle consommation de terres naturelles et agricoles. Des services communs existent déjà dans le parc d’innovation : services bureautiques et de bouche, dessertes et transports urbains, espaces récréatifs… Ces dispositions permettent notamment de réduire les impacts liés aux mobilités tout en offrant un cadre de qualité ».

Le porteur de projet rajoute : « Le site doit (aussi) permettre une offre hôtelière et de restauration de qualité à proximité pour l’accueil temporaire de clients, porteurs de projets et de prestataires. Une offre de loisirs récréatifs et un cadre de vie de qualité favorisent l’attractivité dans le recrutement de nouveaux talents ». Comment ne pas voir dans ce dernier argument de présentation du projet MackNext un marche-pied pour un autre projet envisagé par la Famille Mack en Alsace : Europa Vallée, un projet de complexe hôtelier souhaité par l’entreprise sur le modèle d’un « Center Park ». L’emprise d’Europa Vallée serait cette fois de 150 à 250 hectares sur des terres non artificialisées entre les communes de Sundhouse et Diebolsheim proches de celle de Plobsheim. L’idée d’un téléphérique traversant le Rhin pour rejoindre Europa Park accompagne les premières études.

Comment Michèle Lecker la maire de Plobsheim, et  l’EMS qui a pourtant signé une déclaration d’urgence climatique, peuvent-elles cautionner le projet MackNext ?

D’autant que l’ensemble des avis individuels déposés numériquement dans l’enquête publique par les citoyens,  objective déjà une opposition massive et quasi unanime au projet dont on ne comprendrait pas qu’elle ne soit pas confirmée par la commissaire enquêtrice dans son rapport.

Du coté de la capitale européenne un ‘’vert pâle’’ s’installerait-il d’ores et déjà dans la coloration écologique de la politique menée, entrainant le scepticisme et la déception des militants et soutiens de la première heure ?

Si elle est amenée à valider ce projet, l’Eurométropole, par ce signal donné, et après avoir déclaré l’urgence climatique, créerait un précédent symboliquement détestable pour la confiance des électeurs de la dernière campagne municipale qui ne veulent plus de ces modèles économiques de prédation de nos espaces de vie et de bien être.

La séquence « Eviter-Réduire-Compenser » (ERC) comme principe de développement durable vise à ce que des aménagements n’engendrent pas d’impact négatif sur leur environnement, et en particulier aucune perte nette de biodiversité dans l’espace et dans le temps. Dans « Eviter, Réduire, Compenser », il y a d’abord « Eviter » !Refusons par conséquent d’accorder un passe-droit au porteur de projet. Evitons d’aggraver une situation déjà critique en matière d’environnement et d’agriculture. Profitons des solutions qui existent à notre porte au lieu de favoriser de nouvelles dégradations environnementales.

Alors que nos voisins allemands du Bade Wurtemberg ne concèdent plus d’espaces à artificialiser au groupe familial Mack International, cessons nous aussi de céder nos terres alsaciennes à toutes les sirènes du ‘’développement’’ et de ‘’l’innovation’’ économique  aveugles à l’état de crise majeur dans lequel  la terre et le vivant ne sont toujours pas considérés et  protégés comme il se doit.

Le chaudron des alternatives

Premiers cosignataires de la tribune :

Confédération paysanne d’Alsace – Les Amis de la Terre France – GCO Non Merci – Les Amis de la confédération paysanne – Association Tiefenbach Environnement – XR Strasbourg – Nous voulons des paysans 67 –  Alternatiba Mulhouse – Alternatiba Soultz – Réserve du Bischnoï – Attac 68 – Hatten demain – Comité pour la sauvegarde de Fessenheim et de la plaine du Rhin (CSFR) – Notre affaire à tous – Eau en danger – Climat 3 Frontières – Nature et Vie – Comité pour la Sauvegarde de Fessenheim et de la plaine du Rhin – Attac Strasbourg – Mouvement pour une action non violente-  Greenpeace Strasbourg

                

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