22/05/24 Remise en navigation touristique du canal du Rhône au Rhin : Courrier aux élu.e.s pilotes du projet

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Monsieur Frédéric Pfliegersdoerffer,

Pilote pour la région GE du projet de remise en navigation touristique du canal du Rhône au Rhin

Objet : Remise en navigation touristique du canal du Rhône au Rhin.

La Région Grand Est envisage la remise en navigation touristique du Canal du Rhône au Rhin entre Friesenheim (67) et Artzenheim (68) pour un investissement global d’environ 45 millions d’euros de fonds publics, partagés entre plusieurs collectivités (RGE – CeA – Communautés de communes riveraines) et avec l’appui de financements européens (FEADER).

Vous êtes l’élu pilote de ce projet pour la Région Grand-Est, et simultanément aussi maire de Marckolsheim et président de la communauté de commune du ried de Marckolsheim, ce qui ne manque pas de nous questionner quant à la neutralité d’arbitrage et décisionnelle concernant ce projet (proximité politique, fonctionnelle, économique et géographique de ce pilotage). Vous déclarez d’ailleurs ‘’je pense simplement qu’il y a de l’argent disponible, cet argent on a intérêt à l’utiliser, si ce n’est pas nous qui l’utilisons il y a d’autres qui l’utiliseront, et peut-être pas aussi bien que nous nous le souhaiterions…’’ (Interview de Ried info du 19 avril 2024 à partir 2 de mn).

Nous vous faisons part de nos principales observations et de notre positionnement concernant ce projet qui est considéré d’intérêt public majeur par son ampleur et ses caractéristiques, mais qui résiste mal au décryptage et à l’analyse détaillée que nous en avons fait sur notre site internet.

Une PETITION est lancée depuis quelques jours pour une mobilisation citoyenne déjà remarquable, et les médias largement informés et tenus au courant de l’évolution de ce projet.

Ce projet mobiliserait un montant d’argent public considérable, avec en particulier une participation que nous ne pouvons comprendre et qui nous questionne, celle du Fonds Européen Agricole pour le Développement Rural (FEADER).

Ce projet validerait la commission irréparable d’un nouvel écocide sur 24 km de la trame verte et bleue à protéger (n° C194) entièrement renaturée aujourd’hui. Crainte largement exprimée dans les avis apportés à l’enquête publique et dont vous avez probablement pris connaissance.

Nombreux sont les experts qui ont exprimé avec force arguments leur opposition à ce projet et aux désastres qu’il induira. Citons le plus remarquable, respectable, et expert d’entre eux, Serge Dumont, qui a eu l’occasion de s’exprimer dans les médias régionaux après que notre collectif l’ait alerté.

Il s’agit d’une véritable destruction programmée de zones naturelles et vivantes : parce que le dragage sur près d’un mètre de profondeur et 24 km détruira les différents biotopes aquatiques, en emportant toute forme de vie et tous les refuges aquatiques régénérés depuis 60 ans ; parce que toute la végétation et les embâcles seront rasés sur les 2 berges et au dessus de l’eau pour faire de cette trame verte et bleue un conduit rectiligne, aux largeurs constantes et monotones, sans ombrage, et … au devenir létal pour la vie aquatique, terrestre et sylvestre qui en jouit actuellement. La canal sera plus ‘’propre’’ ainsi, assurément !

Convenez alors M. Pfligersdoerffer qu’il est choquant d’entendre M. Francis Golay, chef de ce projet à la direction de l’eau de la biodiversité et du climat de la Région, affirmer que ‘’L’objectif c’est vraiment de conserver le patrimoine arboré, la trame verte et bleue comme elle est aujourd’hui, voire d’augmenter et d’enrichir les effets sur l’environnement’’. (Interview Ried Info du 19 avril 2024. A la 3e minute trente).

De tels propos relèvent-ils de pressions politiques ? Economiques ? D’une incompétence ? D’une communication bien huilée ? D’un maquillage vert pour emballer un produit qui s’appelle le tourisme fluvestre ? Ou d’autres raisons incompréhensibles pour nous ?

Ce projet acte, une nouvelle fois, la posture incompréhensible et symboliquement violente des décideurs qui se disent responsables des politiques publiques mais qui manifestement ne prennent toujours pas la mesure des changements majeurs qui menacent nos conditions actuelles et futures de vie sur terre (Cf. rapports du GIEC, de l’INPB, OFB etc…).

Ce projet promet aussi des retombées positives sur l’activité fluvestre touristique et économique locale. Elles nous paraissent à tout le moins hasardeuses, mais surtout trop mal documentées et évaluées par ‘’Voies Navigables de France’’ pour être crédibles :

Annoncer le passage annuel de 5800 bateaux de plaisance en direction d’une impasse (Colmar) est d’un optimisme qui force le respect ; 2100 passages sont comptés sur le canal de la Marne au Rhin, et à peine 350 sur la portion du canal entre Mulhouse et les environs de Belfort.

Il n’est dès lors pas politiquement entendable de faire miroiter la promesse d’un “développement” économique et touristique favorable à l’économie riveraine du canal, qui rapporterait annuellement 6 millions d’euros au territoire.

Ce “développement” est écocide, et compromet de fait le développement pur et simple de la vie et de la nature à court terme.

Entendez dés lors que nous sommes opposés à ce projet.

Nous considérons que d’autres mesures et dispositions, réellement d’intérêt environnemental et sociétal, sont finançables avec les fonds publics prévus pour ce projet. Tel était manifestement aussi l’esprit dans lequel vous vous exprimiez lors de votre discours d’investiture à la SDEA.

A titre d’exemple nos calculs estimatifs pour un usage vertueux des 45 millions de fonds publics nous amènent à un équivalent de plusieurs centaines kilomètres de pistes cyclables constructibles en milieu rural ; ou à la possibilité de financer 1000 ha de prairie pendant 50 ans pour protéger la faune en voie de disparition dans deux Zones Natura 2000 proches du canal.

Il apparaît aussi qu’un cyclotouriste dépense en moyenne 68€ par jour dans ses pérégrinations touristiques, alors qu’un plaisancier n’en dépense environ que 30 (réf. Doc. ‘’VNF plaisance privée’’). Or 100 000 cyclotouristes fréquentent ce couloir annuellement … Favoriser l’accueil des cyclotouristes est alors à préférer, plutôt que de favoriser une navigation motorisée et polluante, apanage d’une fraction privilégiée de touristes.

 

Par la présente nous demandons que le canal soit laissé en l’état et sollicitons une rencontre avec vous et les services régionaux en charge d’instruire ce dossier pour un échange contradictoire et démocratique  sur ce projet.

Ayez le courage et la sagesse d’arrêter ce projet. Il est encore temps.

Le 22 mai 2024,

Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de nos sincères salutations.

Le Chaudron des Alternatives

contact@chaudrondesalternatives.fr

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